Compte-rendu de la Stephen-Roche 2007 !


Salut les Potes !

Le soleil pointe sur des montagnes de sucre, les falaises de craies qui précèdent l’arrivée sur La Roche-Guyon, renvoient les premiers rayons qui ont enfin réussi à percer l’épais brouillard qui nous enrobe depuis le départ… Ce blanc sucré qui apparaît me rappelle tout de suite un cours de géographie des années 60, il avait raison l’instit y a bien des murs de craie au bord de Seine jusqu’à Château-Gaillard et plus. C’est plus fort que moi, sur le vélo je pense géo.
C’est quand même grâce au vélo que je suis sorti de ma cité HLM…

Hello, look at left, a little Buckingham Palace! dans un anglais approximatif, j’interpelle les deux coursiers qui m’entourent car ils portent un maillot « London Dynamo » et braillent entre eux avec un accent qui m’empêche de rester concentré sur ma besogne, je fais du vélo pour le silence, les seuls souffles de mes adversaires et le mien, le crissement des pneus, les « serre pas », je ne suis pas dans La Roche pour une sortie de club, c’est une cyclo, on cause pas, surtout anglais ou alors irlandais gaélique si vous voyez ce que je veux dire.
En plus comme je ne comprends pas tout, ils se foutent peut-être de notre gueule, nous les français, cyclistes, certes, mais français avant tout.
Ok ! Ok ! Good ! Répondent-ils (l’humour français vaut bien l’humour anglais).
Et tout ce brouillard, ce matin, ça se trouve c’est eux qui l’on apporté dans leurs valises…
Faut dire que depuis le lever du jour, la condensation aqueuse est soutenue par une condensation humaine, non moins… dense… : des cyclistes partout, des mecs qui portent des lunettes de soleil alors qu’on y voit rien. Tous sont agglutinés au milieu des barrières depuis une heure déjà et j’en suis de ces fondus.
Les garde-barrières ont disparus avec les tunnels et le TGV, mais ceux qui surveillent les nôtres ont bien du mal à faire entrer dans les box, les paquets de cyclistes qui déferlent vers le départ.

Et quel départ !
Le paquet s’est étiré quand j’arrive enfin à bloquer des pédales automatiques. Les dents descendent progressivement sur la roue libre, le pédalage est contrôlé car il ne s’agit pas de se faire péter les cuisses et le palpitant, mais ça va déjà vite. Ca frotte sur un pont, ma vigilance redouble, il ne s’agit pas de se viander, j’emmanche 14, 13, 12, le souffle se raccourcis, ça y est, le pulso teinte à tout va, je suis dans le rouge au bout deux bornes. Si je passe à gauche, je gagne deux cents places. Je vois la tête du paquet à portée de pédales. C’est bon, super départ, je vais pouvoir assister aux premières grandes manœuvres avant de rentrer dans le rang, les kilomètres intenses feront bientôt leur œuvre sur mes cannes.

Le peloton s’étale de front sur les quatre voies.
Qu’est-ce que c’est que ce bazar, ça freine, comme je suis à gauche, je vois des coursiers sur l’autre quatre voies, en face, et qui reviennent. Tout de suite, je percute : erreur de parcours, je vise un trottoir accessible, je saute, 180 degrés, le temps de me relancer, me v’là dans les deux cents premiers.
La tension et l’agacement des coursiers sont palpables, les risques augmentent, la brume qui plombe le spectacle accentue le surréalisme de l’instant. Ca roule à bloc en zigzag, chacun a compris mais cherche la solution qui lui sied.
Le paquet anarchique se représente sur la ligne de départ, marque le pas quelque instant et c’est reparti sans aucune couverture de sécurité. Deux sirènes hurlantes, d’un motard puis une voiture nous rappellent à la raison. Karl me signale sa présence. Un nouveau départ est donné, à la va-vite, il n’est pas possible de contenir longtemps un tel troupeau, les organisateurs ont repris leur sang-froid, tout rentre dans l’ordre.
La course est lancée… les 14, 13, 12 tombent à nouveau mais les cuisses ne répondent plus, le souffle est court, le paquet est trop long, je m’installe déjà dans un autre effort, j’étais là pour faire un temps, je fais un « temps… pire ». Il me faudra cent bornes pour retrouver des sensations de cyclo… sportifs mais les côtes de Vienne, d’Amenucourt et autre Baudemont ont sapé la maigre volonté qui m’animait.
J’aurais tant souhaité faire un bout de route avec Gilles Mahé, un forumeur à côté de qui je stationnai dans l’obscurité d’un parking matinal, le hasard m’avait conduit à côté d’une voiture d’où sortit un gars, maillot 101 à la main, un pote inconnu, c’est fou. Lors du deuxième départ, Gilles me tapota le dos en me dépassant pour rejoindre la tête, je le vis s’éloigner slalomant entre les coursiers, d’un coup de pédale souple alors que je n’avais déjà plus mes jambes…
Le parcours de la randonnée, jalonné par des signaleurs (souvent jeunes garçons et filles) de fluo vêtus, maintenant sous le soleil me laissa une sensation contrastée entre la richesse des propriétés foncières aperçues et le triste état des chemins vicinaux empruntés. Je pense que ce fut un « tour de force » pour les organisateurs de maintenir à bout de bras, pendant vingt ans, une compétition de cette ampleur dans une région aussi urbanisée surtout depuis que l’on construit les villes à la campagne.
J’ai fait la Stephen Roche, j’ai fais le départ, une fois…

Rideau, le vélo en banlieue.

Philippe Boulard

1 commentaire:

Maison La Martiennerie a dit…

J'ai fait cette cyclo une seule fois... J'ai fais une seule fois une cyclo, et c'était celle-là. J'en garde un bon souvenir, parce que j'étais parti à ma main, surtout quand j'ai vu les loulous au départ excités au possible qui semblaient vouloir en découdre.
Moi j'étais venu pour un cyclo, pas pour une course de tueurs... J'ai vu tout le monde passer à fond et j'ai fait ma cyclo. A l'époque je ne savais pas encore rouler en peloton. Ce serai peut-être différent aujourd'hui; même si je ne suis pas prêt à tomber pour le vélo.